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29 septembre 2016 4 29 /09 /septembre /2016 16:13

Du refus de certains distributeurs de se plier à la loi Brottes

Les distributeurs d'eau cherchent régulièrement à faire face aux impayés en coupant l'eau des usagers. Outre qu'il s'agit là d'un chantage honteux concernant un bien vital, c'est également une pratique illégale depuis maintenant deux ans.

Les coupures d'eau se chiffrent, aujourd'hui encore, à des milliers sur tout le territoire français. Aucune multinationale ne donne de chiffres précis, qu'il s'agisse des coupures ou du nombre d'impayés et de leurs impacts sur leur chiffre d'affaires. Le seul chiffre avancé concernant le deuxième point est celui de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui évoque un taux d'impayés de 1,18 % en 2010, soit environ 280 000 abonnés avec impayés sur 23,6 millions d’abonnés en France, une goutte d'eau dans un océan !


Couper l'eau à un ménage n'est pas anodin et a de grandes répercussions sur la vie du foyer

Couper l'eau, c'est priver ces foyers d'accès aux sanitaires, à l'eau chaude et au chauffage. C'est les obliger à empiler les bidons dans les cuisines, à aller réclamer aux voisins, à la famille un accès à une douche, à des toilettes, se rendre dans les cimetières, seuls points d'eau public accessible… Tout cela pour des dettes souvent dérisoires. En fonction des témoignages, les sommes réclamées vont de 21 euros à plusieurs milliers.

Souvent, les victimes de coupures d'eau voient opposer à leurs protestations des conseils risibles du service client des multinationales, comme cette femme à laquelle l'agent d'une multinationale suggère d'"acheter des lingettes pour nettoyer ses enfants". Parfois, les cas s'enlisent, les multinationales de l'eau sachant très bien manier les pénalités de retard et les frais de coupures. Les dettes initiales s'alourdissent et les privations d'eau se pérennisent. Certaines personnes ont été privées d'eau pendant plusieurs années, d'autres contraintes de louer un nouveau logement alors qu'elles sont propriétaires de leur domicile pour avoir l'eau.

Couper l'eau est d'une violence inouïe, c'est la privation d'un bien vital, qu'une dette ne peut en aucun cas justifier, malgré cela, les distributeurs d'eau continuent à la pratiquer. Pourtant, cela fait plus de deux ans et demi que la loi interdit cette pratique.


Pourquoi alors les distributeurs d'eau persistent ?
La loi est pourtant claire depuis la modification de l'article L. 115-3 du CASF par la loi Brottes n° 2013-312 du 15 avril 2013

Si certains, comme Suez ou le petit nombre de régies publiques qui pratiquaient les coupures, ont mis fin à ce dispositif, d'autres n'abandonnent pas, comme Veolia ou Saur. Dans les nombreux procès intentés par des usagers, avec le soutien d'organisations comme la Coordination Eau Île-de-France ou de la Fondation France Liberté, les distributeurs ont toujours été condamnés par les tribunaux. Leur argument pour justifier les coupures d'eau, se plaçait dans le domaine de la mauvaise foi des usagers et de la coupure d'eau comme seul moyen réellement efficace pour recouvrer leurs créances. Or, d'autres moyens existent pour les distributeurs. Ces derniers ont des services juridiques importants, qui peuvent mettre en place les dispositifs de recouvrement de créances pouvant aller jusqu'à la saisie directe sur salaire ou sur compte bancaire. Mais ces méthodes épargnent évidemment les personnes non solvables… Ceci explique-t-il cela ?

Les distributeurs, après avoir été condamnés plus d'une quinzaine de fois par les tribunaux suite à des coupures d'eau, cherchent maintenant à l'emporter sur le terrain des réductions de débit, ou lentillage. Cette pratique consiste à placer une lentille dans les tuyaux pour réduire le débit d'eau. Selon les distributeurs, il ne s'agit pas là d'une coupure puisque l'eau coule toujours. Néanmoins, le plus souvent, l'eau s'écoule si lentement que la douche est inutilisable, idem pour les toilettes.

Là encore les multinationales de l'eau cherchent la faille dans la rédaction de la loi Brottes pour poursuivre cette pratique. La pratique permet aux distributeurs d'engranger de nouveaux profits, puisque bien souvent ils facturent la pastille et sa pose. Et l'usager, encore une fois, voit sa dette initiale doubler voire tripler.

Les tribunaux amenés à juger de ces cas de réductions ont jusqu'à maintenant débouté les entreprises de distribution. Le juge reconnaît en effet que cette pratique est une atteinte au droit à un logement décent. La Cour d’appel de Limoges vient de confirmer un jugement en première instance du 6 janvier 2016 (Chambre civile de la Cour d’appel de Limoges, arrêt du 15 septembre 2016, SAS Saur contre Madame …, Fondation France Libertés, Association Coordination Eau Île-de-France). Manon GIRI - Coordination Eau Île-de-France

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